A la recherche des ingénieurs et des techniciens de la R2E : Yann Lanoë, Frédéric Cousin

Par Hervé Le Bouler.

Revenons à la vie des acteurs de l’époque R2E avec deux nouveaux points de vue. L’un d’un jeune ingénieur fraîchement sorti de l’école, Yann Lanoë, qui démarre sa carrière professionnelle au sein de la direction technique dans l’équipe de François Gernelle. L’autre, Frédéric Cousin, technicien de maintenance en poste au sein de l’agence régionale de Vitrolles. Tous deux arrivent à la période charnière du rachat par Honeywell-Bull.

Yann Lanoë, ingénieur à la direction technique

Né en 1957, il est tout jeune diplômé de l’école d’ingénieur ESEO d’Angers lorsqu’il arrive à la R2E en 1981 dans la direction technique.

À cette époque, Bull a déjà racheté la R2E et maintient cette dernière sous la forme d’une structure interne homogène, en marge des autres départements du groupe.

La direction technique de l’entité R2E, basée aux Ulis en région parisienne, est scindée en deux pôles : le Hardware sous la direction de François Gernelle et le Software chez Michel Joubert.

Diplômé d’électronique, Yann Lanoë intègre naturellement l’équipe Hardware composée d’une quinzaine de personnes, dont la responsabilité couvre la conception du matériel en premier lieu et aussi la réalisation des firmwares associés.

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Annuaire téléphonique interne de la Direction Technique en 1983

 

Yann Lanoë y travaille pendant 2 ans à la réalisation de cartes d’interfaçage de périphériques comme des écrans, des claviers et des lecteurs de disque dur ou disquettes (SASI). Il devient ainsi le spécialiste des entrées/sorties.

Ses missions consistent à réaliser le design hardware de ces cartes et le développement des firmwares (en assembleur Z80) principalement pour les modèles Micral 80-21, 80-31.

Il se souvient avoir réalisé quelques adaptations de firmware de claviers spécifiques pour le domaine bancaire car le Micral, plutôt à vocation industrielle au tout début, est maintenant (en 1981-1983) aussi prisé par les cols blancs et bien intégré dans les banques, l’éducation nationale, les ministères dont celui de la justice, les agences de l’AFPA…

Pour un besoin très spécifique, il développe également une carte d’interface pour lecteur de cassette d’IBM PCs afin de récupérer les programmes développés en BASIC. Et oui, les premiers IBM PC pouvaient être dotés de lecteur de cassette !!

À propos de cette période de sa vie, Yann Lanoë nous déclare que “c’était mon premier et plus marquant emploi”. Mais toutes les bonnes choses ont une fin.

En 1983, sous l’impulsion du départ de François Gernelle pour fonder sa société, de nombreux collaborateurs quittent alors Bull. De plus en plus en désaccord avec la direction sur la vision de l’avenir de l’informatique, François Gernelle crée ainsi Forum International pour continuer le travail sur des ordinateurs multiprocesseurs et multitâches dans la continuité du Micral. Plusieurs personnes le suivent mais pas Yann Lanoë. Celui-ci, sur les conseils de François Gernelle lui même, intègre la société Delta Dore afin d’y amener l’expertise de la fabrication d’ordinateurs. En effet, comme Forum International choisit Delta Dore pour réaliser leurs ordinateurs, Yann Lanoë prend le rôle de facilitateur dans la relation avec le client, d’expliquer en interne le mode de pensée de François Gernelle et ce qu’il peut attendre d’un fabricant. C’est ce qu’il a fait pendant 4 ans environ.

Pourquoi quatre ans seulement ? Dès le début, Forum International se veut d’être à la pointe du progrès et fait le pari du processeur 32 bits. National Semiconductors (NS) vient de sortir le NS32000, tout premier processeur entièrement 32 bits et en avance sur Intel et Motorola. Hélas, il est tellement bugué qu’il n’est pas plus performant qu’un Motorola 68000. NS corrige le tir et sort une nouvelle version… en 1985 pour corriger tous les problèmes connus et finalement permettre d’atteindre la performance attendue. Mais en attendant 1985, cette période d’errance technique fut fatale à Forum International de part les investissements supplémentaires nécessaires aux essais infructueux de finalisation de l’ordinateur.

Forum International doit rompre le contrat avec Delta Dore et ainsi s’arrête la collaboration avec Delta Dore et signe la fin de l’aventure Micral pour Yann Lanoë.

Celui-ci restera fera le reste de sa carrière chez Delta Dore. 35 ans pendant lesquels il occupera divers postes de technicien supérieur, de responsable projets et d’études et pour finir directeur des logiciels embarqués et du développement de la Business Unit industrie.

Un beau parcours qui s’achève en 2019 par une retraite bien méritée.

 

Frédéric Cousin, technicien de maintenance

Le développement de la R2E se fait aussi au travers du succès commercial que peut rencontrer son matériel chez les clients et cela dans toute la France. Les agences régionales y contribuent fortement car elles ont la responsabilité des déploiements en clientèle et la maintenance de leurs installations.

Après un BTS électronique en poche, Frédéric Cousin est embauché par l’agence R2E de Vitrolles en novembre 1983. C’est deux ans après le rachat par Bull et pourtant, l’entité R2E reste encore à part au sein du groupe, même en régions. À part du point de vue organisationnel mais aussi du point de vue des compétences. Il était ainsi très valorisant en interne Bull d’y travailler car ces collaborateurs étaient des experts de l’informatique par rapport aux autres et reconnus comme tel. Une vrai équipe de sachants.

Son poste de technicien de maintenance l’amène à travailler sur des Micral M (multi-processeur, Intel 8080), Micral 802X (à base de processeur Zilog Z80), Micral 8055 (Processeur Z80), SOR (Système en réseau basé sur le 8055), Micral 9020 (Processeur 8088) et Micral 9050 (Processeur 8086). Et au delà, comme il est resté 15 ans chez Bull, Frederic Cousin a bien sûr assuré la maintenance de la gamme Micral Compatible PC (du 30 au 600) et de la gamme Zenith.

Au quotidien sur les routes du sud de la France, il faut l’imaginer dans son véhicule avec un coffre rempli de matériel de maintenance.

En tout premier lieu, l’indispensable fer à souder pour changer les composants.

Mais aussi des cartons de matériel, à savoir, les composants électroniques (beaucoup de RAM) et des cartes d’entrées-sorties de remplacement.

À ceci s’ajoute du logiciel sur des cartouches Cynthia contenant les différentes versions d’OS et d’applications lui permettant de réparer les problèmes applicatifs. Ou de pister des problèmes matériels avec des testeurs de RAM, des testeurs de support magnétique, des logiciels d’étalonnages des différents types de lecteurs (disquette, magnétique, etc.)

Enfin, le dernier élément et non des moindres, la documentation ! De nombreux classeurs d’instructions dont il ne se sépare jamais, car dans les années 80 et 90, la documentation électronique n’existait tout bonnement pas. Alors, on développait ses muscles pour porter ces kilos de papier représentant les schémas électroniques des différentes cartes électroniques ou des instructions logicielles permettant de déboguer les applications.

Du genre méticuleux, Frédéric Cousin a réussi à conserver son matériel de maintenance dans un très bon état jusqu’à sa retraite. Il nous a fait l’honneur de le céder à l’association afin que ces pièces intègrent le projet de recherche Micral et le cœur de collection.

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Une partie de l’inventaire du matériel de maintenance conservé par Frédéric Cousin

 

Un client géré par l’agence de Vitrolles, dont se souvient bien Frédéric Cousin, est remarquable par le type de matériel installé. Le client ? l’AFPA. Le matériel ? le SOR. L’utilisation ? permettre de fournir des formations en connectant les élèves dans un système en réseau.

Le SOR était composé de serveurs de type Micral 8055 et de clients de type généralement DEC VT100. Le serveur dans une salle machine, les terminaux dans les salles de classe.

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Micral 8055

 

Mais dans la région, un autre client est célèbre de par le nombre de Micral achetés et déployés. Il s’agit des Autoroutes du Sud de la France qui choisissent le Micral N pour gérer les péages. L’agence de Vitrolles n’étant hélas pas en charge de ce client et Frédéric Cousin n’a donc pas pu nous en parler.

En 1999, Bull cède son activité micro-informatique à TASQ. Frédéric Cousin continue ainsi dans la maintenance informatique de nombreuses années avant d’intégrer la RTM (Régie des Transports Métropolitains) en 2014 pour assurer la gestion de la maintenance industrielle du réseau du transporteur.

Merci à Yann Lanoë et Frédéric Cousin pour leur temps et nous avoir parlé de leur parcours pendant cette période de pionniers.

Après ces deux rencontres, notre quête de savoir étant loin d’être terminée, nous continuerons à publier d’autres témoignages pour vous les faire partager dans les semaines à venir.

 

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